Qui n’a jamais été entraîné dans un débat à l’argumentation aussi fournie que stérile ?
Lors d’un échange argumenté avec un tiers, n’avez-vous jamais eu cette impression désagréable que l’autre opposait un discours devant lequel vous vous sentiez démuni ? Un discours qui avait l’odeur d’un argumentaire, la couleur d’un argumentaire, la forme d’un argumentaire, et qui laissait néanmoins le sentiment de n’être pas si bien argumenté que ça.
Et pour autant, difficile de contre-argumenter. Indignation, frustration, détestation, …
Halte à l’émotionnel, analysons ces situations, car elles tiennent à l’existence d’une pratique manipulatoire de la joute oratoire :
Dans cet article du Cercle Les Echos, je présente ce qu’est cette argumentation perverse, son mécanisme et ses objectifs.
Je vous propose ici de voir son application pour les commerciaux, mais aussi des solutions pour la détecter et la neutraliser.
Tout d’abord, si vous êtes commercial, cette technique manipulatoire est à proscrire dans le cadre de relations que vous souhaitez pérennes ! Elle est source, pour votre client, de frustration qui, à terme, est négative.
Du coup, en quoi un commercial est concerné ? Un grand classique de l’objection générique souvent lancée aux vendeurs : « vous êtes un commercial, je ne peux pas vous faire confiance ». C’est un premier argument pervers qui peut ouvrir le bal. Ainsi, le commercial est fréquemment la cible d’une argumentation perverse.
Certains acheteurs utilisent – consciemment ou pas – cette tactique pour mener leurs négociations commerciales… et maximiser leurs résultats en déstabilisant leurs interlocuteurs.
Dans les objections de vente, je conseille de bien jauger la sincérité des objections qui sont faites, car la plupart des techniques de réponse aux objections visent des objections… sincères.
Les objections non sincères sont de deux ordres :
– il s’agit d’une tactique d’achat : c’est la relation au produit qui est en jeu,
– il s’agit d’une tactique perverse : c’est alors la relation à l’autre qui est en jeu.
Dans le premier cas, il est encore possible de convaincre l’acheteur, par exemple avec l’analyse de la valeur – rationnelle – tout en restant constructif.
Dans le deuxième cas, l’entretien de vente n’est plus du tout rationnel : il ne vise qu’à « casser » le vendeur dans une approche destructive.
Or la confiance est un atout primordial du commercial (cf. l’effet Pygmalion). En s’y attaquant, l’acheteur peut fortement améliorer sa propre performance.
Tout d’abord, ne pas entrer dans les deux scénarios proposés et ne pas basculer dans l’émotionnel ! Ce serait faire le jeu de celui qui recourt à cette argumentation perverse.
Après un temps d’arrêt et de profonde expiration, je propose trois approches :
Exemple : « si vous croyez que je ne comprends pas votre petit jeu pervers… Soit vous arrêtez là, soit il sera impossible de travailler ensemble ».
Exemple : « je crois qu’il ne sera pas possible de travailler ensemble. Au revoir ».
Le recours à telle ou telle méthode dépend des situations, des enjeux. L’essentiel consiste à ne pas se laisser emporter par l’émotionnel.
Dans une relation commerciale, il est psychologiquement difficile d’opposer une brutale fin de non-recevoir. La dérision est alors la seule solution qui permet de maintenir la relation, mais à un prix émotionnel élevé ! Seul un besoin financier fort peut nécessiter d’en payer le prix : parfois, il faut savoir fuir…
C’est là toute la difficulté !
L’entraînement permet d’en repérer l’usage. Réfléchissez bien : n’avez-vous pas souvenir de quelqu’un qui aurait utilisé cette technique ? En politique, c’est très fréquent, il suffit de regarder la télévision pour en voir un usage immodéré !
Pourtant, quelques indicateurs factuels permettent de suspecter le recours à cette argumentation perverse :
– votre interlocuteur manque de cohérence,
– le discours de votre interlocuteur est provocateur,
– vous sentez monter votre indignation,
– vous éprouvez une impression d’impuissance et d’enferrement, le débat est bloqué,
– le débat ne porte pas sur des faits ; en particulier, dans une démarche commerciale, la discussion ne porte pas directement sur votre offre,
– des erreurs collectives et passées vous sont attribuées et opposées, vous en portez personnellement le fardeau (le symptôme le plus courant en politique).
Si vous repérez au moins trois de ces « symptômes », vous avez de très grandes chances d’être confronté à une tactique perverse : vous connaissez maintenant des solutions…
L’argumentation perverse est pénible et pourtant, nous l’utilisons tous, à un moment ou à un autre. Dire à son (sa) conjoint(e) lors d’une dispute : « on dirait ta mère », ce n’est pas très factuel, cela se veut provocateur et cela signifie que votre conjoint(e) porte le poids des erreurs ( ?) de sa pauvre maman. Qui ne l’a jamais fait ?
L’adage populaire dit que « le client est roi ». Non. Le roi avait droit de vie ou de mort sur ses sujets. Je considère qu’un client n’a pas ce droit là sur ses partenaires commerciaux ! Tant pis si cela conduit à le perdre.
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