Le Casse-Tête commercial des Offres Anormalement Basses dans le bâtiment
Les OAB – Offres Anormalement Basses – sont toujours d’actualité. Pour autant, la réflexion autour de leur détection s’affine.
Le Moniteur a publié un article très intéressant sur la question.
Le constat
On ne peut pas, en effet, comparer une réponse au plus bas niveau de qualité et de prix faible avec des offres qui répondent à un haut niveau de qualité, obtiennent en conséquence une excellente note à ces critères mais présentent généralement un prix élevé.
Dit autrement, il est difficile de comparer des choux et des carottes. Comment faire alors ? L’article propose de rajouter un niveau d’analyse très simple du rapport qualité/prix.
Méthodologie proposée
- la maîtrise d’oeuvre procède à l’analyse des offres et fait donc sa proposition de note technique (qui intègre la qualité, l’environnement, la sécurité, …),
- le prix de chaque entreprise est pondéré en fonction de sa note technique,
- si le prix pondéré d’une entreprise est très nettement inférieur aux autres (de 20 % ? de 30 % ? Charge au maître d’ouvrage de décider), il s’agit d’une OAB ; l’offre est rejetée,
- pour les offres validées, la sélection se fait ensuite sur la base de l’offre la mieux disante, suivant les critères de sélection définis au Règlement de Consultation.
Exemple d’analyse d’un marché public
Pour un règlement de consultation qui détaillerait ces critères d’attribution :
La valeur technique au regard des moyens et matériels mis en oeuvre, des méthodes proposées, interventions urgentes, …
Une note sur 10 sera attribuée à chaque offre et une pondération de 0,6 sera appliquée.
Le prix des prestations
La note maximale de 10 est affectée à l’offre moins-disante. Le calcul des notes du critère prix est effectué par la formule :
Ni = 10 x (1- (Vi-V)/Voù Ni = note de l’offre à calculer.
V = montant de l’offre moins-disante
Vi = montant de l’offre à calculer
Une note sur 10 sera ainsi obtenue. Elle sera ensuite pondérée de 0,4.
et pour les quatre réponses suivantes :
- Entreprise A : prix de 100 k€, note technique de 9/10,
- Entreprise B : prix de 100 k€, note technique de 1/10,
- Entreprise C : prix de 70 k€, note technique de 9/10,
- Entreprise D : prix de 70 k€, note technique de 1/10.
Pour A, son prix pondéré est de 100 / (0,4 + 0,6 x 9/10) = 106,4 k€. Sa note « prix » est de 10 x (1 – (100 – 70)/70) = 5,7. Sa note globale sera de 5,7 x 0,4 + 0,9 x 0,6 = 7,7.
Il est ainsi possible de dresser le tableau d’analyse suivant :
Dans l’état actuel des choses, l’entreprise C sera attributaire du marché. Comme l’entreprise D a présenté une offre du même montant, personne n’évoquera même l’OAB.
Par contre, en se basant sur le prix pondéré, la donne pourra être différente ! Tout dépendra du critère de jugement de ce prix pondéré.
1er cas : une OAB est détectée à partir d’un écart de 30 % par rapport à la moyenne des offres. La moyenne des offres pondérées est de 137.6 k€, les offres inférieures à 96,3 k€ seront éliminées, ce qui est le cas de C. L’entreprise A remporte le marché.
2ème cas : une OAB est détectée à partir d’un écart de 20 % par rapport à cette même moyenne. A et C sont alors éliminées et D remporte le marché…
Et cela pose de nouvelles difficultés, puisque suivant un choix initial du pouvoir adjudicateur, l’attribution se fera avec une philosophie très différente…
Conclusion
Elle est double.
D’une part, cette méthode basée sur le rapport qualité/prix ne peut se faire qu’avec un niveau de qualité proche des offres comparées. Pourquoi ne pas éliminer également les offres dont le niveau de qualité est insuffisant ? Dans notre exemple, cela entraînerait à ne comparer que A et C et donc à retenir A.
D’autre part, la qualité des offres étant la seule voie de jugement des OAB, le mémoire technique va devenir de plus en plus primordial…
Dans un contexte où les marges sont tendues, où les dossiers peinent à sortir et où la concurrence déloyale gagne du terrain (cf. propositions de la FFB), il est urgent de traiter cette problématique des Offres Anormalement Basses. Espérons que le législateur bouge plus vite que les juges des tribunaux du commerce, car les liquidations d’entreprises du Bâtiment restent légions…
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