Le délit de prise illégale d’intérêt dans le Bâtiment
En période d’élections municipales, il est important pour les entrepreneurs candidats de bien identifier ce risque de Prise Illégale d’Intérêt. S’il peut être tentant pour certains entrepreneurs de devenir élu local ET d’en faire profiter son entreprise, la plupart ne présentent pas cette volonté : comment éviter alors la Prise Illégale d’Intérêts… involontaire ?
La Prise Illégale d’Intérêts présente un risque pénal fort !
Article 432.12 du Code Pénal :
« Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public ou par une personne investie d’un mandat électif public, de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l’acte, en tout ou partie, la charge d’assurer la surveillance, l’administration, la liquidation ou le paiement, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. »
Qu’est-ce qui constitue l’infraction ?
- Etre investi d’un mandat électif public : maire, président de Conseil Général ou Régional, président de Chambre consulaire, mais aussi les adjoints ou conseillers municipaux qui agissent par délégation ou en remplacement du maire.
- Gérer (au sens large !) une affaire publique – construction d’un bâtiment public, par exemple.
- En tirer un bénéfice matériel – attribuer un marché à sa propre entreprise – ou un bénéfice moral – attribuer un marché à l’entreprise de son frère.
Application aux entrepreneurs du Bâtiment :
- participer aux délibérations (vote) de la Commission d’Appel d’Offres : c’est un acte d’administration, donc conflit d’intérêt, donc infraction,
- participer aux réunions de la CAO, avec abstention de vote : c’est un acte de surveillance, donc conflit d’intérêt, donc infraction.
Ca va très vite !
Seule solution : ne pas participer, de près ou de loin, à la procédure qui pourrait générer un conflit d’intérêt. Voir en cela ce billet : l’élu incriminé n’aurait pu être inquiété que s’il avait participé à la CAO.
Des dérogations existent
Dans les communes comptant 3 500 habitants au plus, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d’un montant annuel fixé à 16000 euros.
En outre, dans ces communes, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent acquérir une parcelle d’un lotissement communal pour y édifier leur habitation personnelle ou conclure des baux d’habitation avec la commune pour leur propre logement. Ces actes doivent être autorisés, après estimation des biens concernés par le service des domaines, par une délibération motivée du conseil municipal.
Dans les mêmes communes, les mêmes élus peuvent acquérir un bien appartenant à la commune pour la création ou le développement de leur activité professionnelle. Le prix ne peut être inférieur à l’évaluation du service des domaines. L’acte doit être autorisé, quelle que soit la valeur des biens concernés, par une délibération motivée du conseil municipal.
Autant dire que ces dérogations sont très encadrées…
Quid de l’Intention ?
En théorie, cette infraction doit être intentionnelle pour être constituée : l’élu qui n’a pas conscience du délit ne commet pas d’infraction…
Toutefois, avis aux petits malins : dans les faits, il est quasiment impossible de prouver que la prise illégale d’intérêts n’était pas intentionnelle… Le « je ne savais pas, M. le Juge » ne tient (presque) pas.
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