Aux débuts de l’informatique, j’étais gamin, et je jouais à une simulation de pilotage d’un sous-marin. Pilotage ? Conduite à l’estime, plutôt… Et tout le plaisir tenait à la réalisation de missions complexes, sans visuel, avec juste un radar et d’angoissants Biiiiiiiip-bip – Biiiiiiiip-bip – Biiiiiiiip-bip. Le jeu s’appelait GOTO.
La conduite à l’estime est valable dans un océan peu encombré, où les dangers sont éloignés, où nous avons le temps de réagir. C’est impossible dans un environnement chargé et mouvant, où les temps de réaction avant le choc sont très courts.
Les entreprises en général, celles du Bâtiment en particulier, sont parfois pilotées à l’estime, comme des sous-marins. Et malheureusement, certaines percutent des montagnes immergées parce que leur radar est inopérant : c’est la marque d’un manque d’indicateurs.
Bonne question.
Infinité de réponses ! Tant les caractéristiques de l’entreprise influençant ce choix sont nombreuses :
Un bon consultant saura définir le bon dosage homéopathique et la hiérarchie des indicateurs. Ni trop, ni pas assez.
Pourquoi homéopathique ?
Un indicateur est un élément de décision parmi d’autres : le fantasme du logiciel de prise de décisions automatisée est révolu. Le chef d’entreprise doit recouper ses informations, mais sans se laisser submerger.
Une raison à cela ? Le SMART est une utopie. Tout n’est pas mesurable objectivement.
Une autre raison ? S’il y a trop d’indicateurs, l’analyse n’est plus possible. Chaque information participe alors à un brouhaha indescriptible, un « bruit blanc » sans intérêt.
Une dernière raison ? Les indicateurs ont un coût d’obtention qui peut être exorbitant, c’est un investissement qui, s’il est prioritaire, se fera au détriment d’autres activités de l’entreprise. D’ailleurs…
A doses homéopathiques, les indicateurs sont positifs, mais à haute dose, ils deviennent toxiques non seulement à l’échelle de l’entreprise, mais aussi à l’échelle de l’économie. Car ces indicateurs à outrance sont en partie la cause de la crise financière et du désengagement des jeunes en entreprise, ces soi-disant travailleurs ingérables. Pour vous en convaincre, lisez cette critique du livre Le Travail Invisible de Pierre-Yves Gomez.
Pour l’auteur, le travail présente trois composantes :
Le déséquilibre de l’une de ces composantes est néfaste. Et clairement, nous vivons dans une société où le travail objectif est hypertrophié au détriment des deux autres.
C’est particulièrement vrai dans la culture Bâtiment. A tel point que les tableaux de bord et les indicateurs ont souvent mauvaise presse dans les PME et TPE du secteur.
Et cela tient probablement, au-delà de l’action, à l’existence d’une véritable culture métier et d’une communauté fière de son activité, qui a résisté pendant des années à l’hypertrophie du travail objectif.
La notion même d’Ouvrage présente une connotation beaucoup plus positive, chargée de Sens, que le terme Produit.
Ouvrage : résultat du travail d’un artisan
Tâche : réalisation d’un ouvrage dans un certain temps, pour un certain prix
(source Wikipédia)
La Tâche est ainsi le pendant objectif de l’Ouvrage, qui a une portée plus subjective.
Quant à la notion de Corps d’Etat, elle porte à elle-seule l’importance du Collectif dans la construction : difficile de faire un bâtiment tout seul…
Et ces spécificités révèlent une opportunité extraordinaire !
Ce secteur, victime de la Crise, n’a pas (complètement) oublié le Sens donné à son travail ni l’importance du Collectif. Pour échapper à la financiarisation (et à la Crise ?), il lui « suffit » donc de suivre deux voies :
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