LA SERVUCTION IMPOSE L’EXEMPLARITE – MANAGEMENT DES ACTIVITES DE SERVICES

Une pique ministérielle m’a fait rire à la veille des viaducs du mois de mai.

« Ce que je trouve dommage, c’est que parfois je cherche des patrons en ce moment (NDLR : pendant les ponts du mois de mai) et je ne les trouve pas. Et on me dit : oh, ils sont juste en vacances ! Donc eux aussi ils pourraient commencer par travailler »

Michel Sapin, 30/04/2015, sur Europe 1

Elle m’a fait rire pour deux raisons. La première, c’est qu’il y a un petit fond de vérité… La deuxième : c’est culotté et quand même bien envoyé. Et je suis patron également. Qui aime bien châtie bien ?

Cette interview m’a toutefois fait m’interroger sur certaines pratiques managériales et sur la notion d’exemplarité, au-delà de toute politique partisane.

 

 

Le Management de la Servuction exige de l’Exemplarité

Les activités de Services sont caractérisées par la notion de Servuction. Nous avions évoqué l’aspect managérial de cette « production du service » avec ce billet sur la symétrie des attentions :

Les sentiments négatifs du prestataire (managé) seront transmis au client et son appréciation de la Performance de la mission (de service) en sera affectée.

A l’équipe managériale, donc, de porter attention à ses salariés, surtout si en plus ils ont une activité de prestation en front-office ! Mais est-ce suffisant ?

Je ne pense pas.

Car pour paraphraser M. Le Ministre, comment est-il possible de dénoncer ce dont on profite ? De réclamer des autres ce que l’on ne donnerait pas soi-même ?

Ce week-end, mon boucher portait des lunettes. C’est la première fois que je le voyais avec. Forcément, je lui en ai fait la remarque et sa réponse était toute simple :

« ma fille de 2 ans doit porter les siennes, ça permet de montrer l’exemple ».

Montrer l’exemple. Hé oui, l’exemplarité est un deuxième élément primordial d’une relation managériale, comme en pédagogie.

Attention, ne vous méprenez pas : je ne réduis pas la relation salarié/manager à une relation de type parent/enfant… 😉

 

 

Les exemples de comportements peu exemplaires sont légion

Petit florilège de situations vécues en entreprise :

  • refuser les départs en congés sur une période et partir soi-même à ce moment-là,
  • bloquer les achats de stylos et changer de voiture,
  • exiger de la prospection commerciale dans le dur sans jamais en faire,
  • interdire les pots alcoolisés entre collègues et se permettre un écart entre associés,
  • imposer le respect des clients et leur parler comme de la m****,

Tous ces comportements ne sont pas forcément rédhibitoires pour un manager (quoique) mais elles le sont pour un leader.

Car oui, il y a des différences fondamentales entre manager et leader !

 

 

L’Exemplarité est nécessaire pour le Manager ou pour le Leader ?

J’ai fortement apprécié ce billet publié en 2012 sur Viadeo : Pourquoi les managers ne sont pas des leaders ? Cet article décrit bien la différence entre les deux :

(Le leader) est défini comme « une personne ayant une influence démontrable sur la syntalité du groupe ». (NDLR : syntalité ~ activité globale du groupe)

(…)

Le manager, lui, est dans l’opérationnel. Il ne fait pas les choses mais il supervise ceux qui font. Il contrôle, fait des rapports, écoute, conseil et appuie les équipes pour qu’elles avancent.

Nous avons tendance à mélanger les 2 alors que les leaders sont beaucoup moins fréquents que les managers.

 

Le rôle de manager est conféré par un statut formel : il y a écrit « chef de service » ou « directeur » sur ma carte de visite. Un manque d’exemplarité vient-il diminuer ce statut de Manager ? Je ne pense pas.

 

A l’inverse, le rôle de leader est conféré par la résultante de nos actions (et ce n’est pas marqué sur la carte de visite !) : ce qu’on fait permet d’être perçu comme leader… ou pas. Car la résultante de nos actions peut être positive ou négative, et les comportements non-exemplaires viennent affaiblir le leadership, jusqu’à potentiellement le faire disparaître.

Ce sont les autres qui confèrent le rôle de leader :

le leadership ne se décrète pas.

Encore mieux : il n’y a pas de bon ou de mauvais leader, puisque c’est une forme de « reconnaissance honorifique informelle ».

Peut-on être leader en ne faisant rien ? Pas sûr du tout.

Est-il suffisant d’être exemplaire pour être un leader ? Bien sûr que non. D’autres composantes, comme le charisme, interviennent.

Est-il nécessaire d’être exemplaire pour être un leader ? Je pense que oui. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas que le leader soit un être « parfait » :

  1. la perfection n’existe pas, les leaders, si,
  2. il est plus exemplaire d’assumer ses erreurs – humaines, comme tout le monde le sait – que de faire croire à une infaillibilité intenable dans le temps.

 

Petite parenthèse : ce qui est cruel dans le cas des chefs d’entreprises, qu’ils soient créateurs ou repreneurs, c’est que très souvent, au début de leur projet entrepreneurial, leurs salariés leur confèrent ce rôle de leader – si l’exemplarité est là ! – car leur action y est propice.

Toutefois, ce leadership « naturellement » conféré n’est pas éternel et il n’est pas envisageable de se reposer sur ses lauriers : le leadership doit être sans cesse renouvelé. Fin de la parenthèse.

 

 

L’Exemplarité : première voie d’accès au Leadership

En conclusion, un chef d’entreprise est forcément à minima un manager.

Mais il est aussi une personne libérée des contraintes hiérarchiques : il peut décider de s’affranchir de tout contrôle social de ses actions, au moins pendant un temps. Et ainsi, il n’a plus valeur d’exemple.

Pour faire face à ces transgressions toujours possibles, la société dispose de nombreuses instances de régulation. Le contrôle social de tous par tous est la plus importante de ces instances. C’est un contrôle communautaire informel, s’appuyant essentiellement sur une désapprobation collective explicite ou implicite lorsqu’une personne enfreint la règle commune. Par exemple, un regard réprobateur incitera à ne pas allumer une cigarette dans un endroit public clos.

Source : Cours de SES MaxiCours

La tentation peut être grande, pour quelqu’un qui contrôle davantage qu’il n’est contrôlé, d’ignorer ce contrôle informel. Mais ce faisant, le risque consiste à gâcher ses possibilités d’être perçu comme un leader.

 

L’exemplarité est probablement la première voie qui mène au leadership. Elle impose de sans cesse se poser la question : « si ma demande ou mon comportement émanait de l’un de mes salariés, est-ce que je l’accepterais ? ». Managers, si la réponse est « non », vous devriez creuser la question.

A l’inverse, la tentation d’ignorer cette nécessaire exemplarité est probablement la meilleure voie pour s’éloigner du leadership.

Tiens, d’ailleurs, M. Sapin : qu’en est-il de l’exemplarité des hommes politiques ? Qui aime bien châtie bien ?

N’hésitez pas à réagir à cet article 🙂

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Yves Prunier

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