Devoir de conseil dans le Bâtiment…
Une pratique intéressante : l’analyse de la valeur
Il est dans le bâtiment une pratique commerciale qui consiste à créer des devis modulables en fonction du budget du client. C’est une pratique inspirée de l’analyse de la valeur, qui permet d’empiler les moins-values économiques.
Un prospect souhaite faire des travaux. Un entrepreneur lui établit un devis conforme à ses attentes… techniques, mais pas budgétaires ! Pas que l’entrepreneur soit un voleur, mais plutôt que le prospect a sous-évalué le coût du projet et sur-évalué les prestations attendues.
L’entrepreneur malin aura proposé des variantes économiques et pourra travailler sur ces moins-values, avec son prospect, dans une démarche d’analyse de la valeur. ACE Bâtiment vous y encourage même !
« Le client en aura pour son argent ! »
Certes et ce n’est pas forcément un mal… C’est tout le principe de l’analyse de la valeur : optimiser son offre. Mais il y a une différence notable entre optimiser et dégrader. La limite est franchie quand la pérennité ou l’utilisation de l’ouvrage sont compromises.
Exemple vécu : un prospect contacte une entreprise de charpente métallique pour réaliser une charpente agricole. Un premier devis est réalisé et dépasse largement le budget alloué. L’étude de prix initial tient compte de tout le contexte réglementaire (CM66, NV65, …). Jugement du client : vos profils sont trop gros ! Sous-entendu : c’est trop cher.
Une autre étude est réalisée, plus optimisée, mais ça ne passe pas toujours pas niveau prix… Une dernière étude emporte la décision du prospect : les profils sont « ficelle » comme sur ses autres bâtiments, et le prix est en adéquation avec ses attentes. Les règles de calculs de la profession n’ont pas été respectées, mais BINGO ! La commande tombe. Le client est ravi.
Néanmoins, que se passe-t-il si la charpente ne tient pas les prochaines neiges abondantes ? Si elle s’écroule ? Je ne parle même pas de dommages humains… Le client, d’un coup, sera nettement moins ravi, voire franchement vindicatif.
Une prestation peut être optimisée, mais pas être dégradée au point de franchir la barrière de l’inacceptable
Un prospect est par définition sensible au prix mais insensible aux contraintes du professionnel. Il validera toute baisse de prix proposée, même si celle-ci va au-delà d’un acceptable qu’il ne perçoit pas (toujours) au moment de la commande.
C’est là que le devoir de conseil de l’entrepreneur peut lui être opposé. C’est ce que rappelle cet arrêt de la cour de cassation :
Le professionnel débiteur d’une obligation de résultat et d’un devoir de conseil à l’égard de son client doit refuser d’exécuter les travaux qu’il estime contraires aux règles de l’art.
Pour les Gremlins, il est dit :
la règle la plus importante, la règle que vous ne devez jamais oublier, même si il pleure, même si il vous supplie, ne jamais, jamais lui donner à manger après minuit.
C’est pareil commercialement :
ne jamais, jamais fournir à un client une prestation si dégradée qu’il ne pourra pas la digérer. Même si il pleure. Même si il vous supplie. Et même si il propose de vous en décharger par écrit.
Un équilibre délicat à trouver entre budget/attentes du prospect et règles de l’art
Je l’ai déjà entendu dans la bouche de confrère. Je l’ai même vu pratiqué :
« le client veut de la merde ? Il veut un ouvrage qui ne tienne pas ? Si c’est ce qu’il veut, on va lui donner, mais faudra pas qu’il vienne se plaindre… »
La cour de cassation a juste rappelé que le prospect, en tant que « profane », ne sait pas ce qu’il veut… et qu’il viendra se plaindre s’il ne l’a pas !
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